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Vendredi 4 décembre

 

Le départ d'Iran a été un peu difficile, à tous points de vue.

 

Au niveau humain, après une semaine passée ensemble sur l'île de Qeshm, notre ami Cyril nous a quittés pour rentrer en France. Ça faisait bizarre de voir nos routes se séparer, alors que l'aventure ne fait que commencer.

On espère se rejoindre au Kirghizistan au printemps pour apprendre à épeler dans le bon ordre les lettres de ce pays montagnard.

 

Et au niveau logistique, pour trouver le bon bateau pour aller à Dubaï, ça a été assez compliqué.

 

Tout d'abord, on est allé à un port qui n'est plus desservi par la compagnie de ferry, bien que, sur leur site internet, il y ait un départ tous les samedis et mercredis…

 

180 kilomètres pour rien en aller simple, si ce n'est un pique-nique sympa avec des Iraniennes surexcitées le vendredi midi, et une belle rencontre sur la plage de Bandar e Lengh avec un prof de mécanique au lycée de la ville, qui venait se promener sur la plage entre deux prières à la mosquée.

 

De retour à Bandar Abbas, LE port pour faire la traversée sur Dubaï, on a discuté pendant 4 heures pour les démarches douanières et le prix du transport du camion.

A 14h, tout le monde en avait marre, les calculs en euros, dollars et rials ne  faisaient plus rire personne. Du coup, le fonctionnaire nous a offert 5 repas, puis on s'est retrouvé à 16h pour finir les « négociations ».

 

 

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Entre temps, on a rencontré une famille de Français avec deux filles adolescentes qui voyagent pour 10 ans autour du monde. Ça faisait du bien d'échanger quelques blagues entre deux taxes portuaires, taxe de sortie, timbre de châssis et frais de vérification de notre numéro de culotte.

 

Parce que, voyager en camion en bateau, ça coûte super cher ! Pour une traversée de 12h, c'est 90 $ par personne, 800 $ pour le camion (après 5 heures de palabres) et des taxes à n'en plus finir. On a dû payer 130 euros à Dubaï juste pour avoir sorti notre camion du bateau et avoir roulé sur les quais du port, puis on a eu une pénalité de 25 euros car notre bateau était arrivé en retard et que le fonctionnaire voulait fermer son guichet, et les taxes d'entrée et de sortie nous ont coûté, en tout 200 euros…

 

 

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Du coup, quand on est enfin sorti du port de Sharjah, au nord de Dubaï, on était décomposés.

On était verts d'avoir dépensé en 48 heures le double de notre budget utilisé en 6 semaines en Iran. On était blancs de fatigue. On était noirs de crasse et on était rouges de transpiration. Un vrai drapeau des Emirats à nous tout seul. Bref, dimanche soir, après 36 heures de ce marathon portuaire, on était rances et faisandés.

 

Pour s'en remettre, on s'est arrêtés à la première plage qu'on a trouvée, et, depuis, on n'en bouge plus !

 

 

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Dubaï en folie, Dubaï sans limite…

 

On nous avait bien dit que ça allait être une vision XXL, mais là, on le vit en vrai et c'est encore en dessous de ce que notre petit cerveau pouvait imaginer. 

 

Notre champ visuel est trop petit pour apprécier d'un coup la hauteur des tours immenses et la largeur des touristes russes…

 

Depuis dimanche 29 novembre, on est garé sur LA plage de Sharjah, au nord de Dubaï, à 5 kilomètres du port où on est arrivés et, par un heureux hasard de calendrier, il y a 4 jours de vacances pour commémorer le 44ème anniversaire de la création des Emirats Arabes Unis.

 

Du coup, c'est la fête. 

 

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Les jaguar, les hummer, les chevrolet s'arrêtent, impressionnés, devant notre camion…

On visite nos véhicules respectifs, chacun faisant des mines hallucinées devant le tableau de bord du bolide ou le porte serviette de notre « caravane ».

 

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On se photographie parmi, on s'échange des drapeaux puis, environ une heure plus tard, les mêmes personnes reviennent nous voir avec 1 kilo de donuts, des plats à emporter, du chocolat, voire même une carte de téléphone pour appeler aux Emirats….

 

Lundi soir, on a été invités par un homme en jaguar rouge pétante pour découvrir Sharjah « by night ». Il avait fait venir des copains en mercedes pour nous amener tous au centre ville (on ne rentrait pas toute la famille dans la jaguar, …ridicule)

 

On a commencé par se faire offrir une tournée de glaces gigantesques, puis il a loué un bateau pour nous faire faire le tour de la rade en musique, et on a fini dans son appartement, à fumer la chicha et à manger 5 cuisses de poulet Kentucky Fried Chicken par personne à 1 heure du matin, tout en commentant des courses de voitures sur la chaîne 828 de son gigantesque écran plat.

 

Luxe, générosité, clinquant et « tape à l'oeil »…

 

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Je pense que, en France, j'aurais trouvé ça complètement crétin de m'halluciner devant une voiture avec des hommes en blanc avec un torchon sur la tête mais, après trois mois de voyage, le contraste est tel que je n'arrête pas de rire, de m'étonner et d'apprécier simplement toute cette générosité. Enfin, j'exagère un peu, ils n'ont pas tous un torchon sur la tête et j'ai enfin jeté le voile, ça me rend exubérante.

 

L'océan est à nos pieds, les gratte-ciel à portée de doigt. Notre seul souci immédiat est de gérer les soirées pour que les enfants dorment un peu quand même. Ça fatigue de faire de la jaguar à 2 heures du matin. 

 

Et les inconvénients du coin sont la dameuse qui passe à 6 heures devant le camion pour ratisser le sable et les jets-ski qui sont un peu bruyants…

 

On a aussi profité de faire un peu de mécanique sur notre camion, qui fleure bientôt les 13'000 kilomètres depuis notre départ… 

 

 

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On a changé nos jantes pour faire, nous aussi, un peu de « tuning » sur notre véhicule. Bon, le résultat n'est pas aussi clinquant que sur une porsche à double injection, nos jantes sont toujours aussi moches, mais elles ont l'avantage d'être désormais « tubeless », ce qui fait qu'on n'a plus besoin de s'énerver à trouver des chambres à air de secours, puisqu'il n'y a plus de chambre à air, pratique !

 

Cette petite modification a pris 3 jours, pendant lesquels on est resté « garés » sur un crick devant l'atelier du marchand de pneu..

 

Petite tranche de vie dans le quartier des garages !

 

Le marchand de pneu est Syrien, le soudeur de jantes est Indien, le peintre en carrosserie est Pakistanais. Avec chacun, on boit le thé, on discute en s'asseyant sur des vieilles chaises de jardin pourries ou des bidons d'huile de 50 litres, on écoute leurs misères avec d'autres Syriens, d'autres Indiens, d'autres Pakistanais, et surtout, avec « les hommes en blanc », les natifs des Emirats Arabes Unis, qui détestent les Syriens, les Indiens et les Pakistanais…

Et après 3 litres de thé, on demande, « by the way », si ça avance sur nos jantes… Alors là, les téléphones sortent, des coups de fils sont passés à gauche à droite, on part en voiture voir notre jante chez le soudeur, puis on revient boire le thé…

 

 

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En tout cas, les enfants ont été contents de partager la vie de l'atelier pendant 3 jours. Sébastien a validé son stage en entreprise professionnelle en aidant à décharger d'énormes pneus (en fait, il a surtout sali tous ses T-shirts en montant sur les pneus !). 

 

Et avant de quitter les Emirats, nous avons encore fait une petite incursion dans le désert couleur abricot… magnifique !

Olive en a profité pour changer les cylindres blocs qui tiennent la cabine. Ça faisait des étincelles de partout, il ne manquait plus que le Petit Prince et son renard magique.

 

 

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Vendredi 22 Janvier 2016

ENCORE UN PEU D'EMIRATS ARABES UNIS

A quoi pense un voyageur immobile ?

Quelle pesanteur assombrit ses semelles ?

Notre voyage piétine, s'alanguit, s'assoupit…

Quelle drôle d'idée, alors que le temps nous est compté, que notre soif d'aventure n'est pas encore assouvie et que notre énergie est dans le mouvement. 

Encore quelques semaines à ce rythme lent, et on se transformera en requin puant, mort de n'avoir pas su bouger.

On est au stade avancé de la décompression, un palier de plusieurs semaines entre deux eaux pour regonfler nos globules blancs et refaire surface dans un autre monde.

Bref, on passe le temps en attendant qu'arrive notre maudit bateau pour l'Inde alors que, d'habitude, c'est le temps qui passe et qui nous emporte. 

Inverser la vapeur.

Attendre que rien ne se passe.

On a beau refaire notre scénario dans tous les sens, il n'y a pas moyen de trouver comment on aurait pu faire mieux.

Pour aller en Inde, on ne peut pas passer par la route, car il faudrait revenir en Iran, et on n'a pas fait de visa double entrée et, surtout, il faudrait traverser le sud du Pakistan, ce qui n'est pas très recommandable.

Donc, il faut prendre un bateau.

Il n'y a pas bien sûr pas de ferry qui dessert l'Inde. C'est pour ça qu'il faut mettre notre camion sur un cargo, à Dubaï, puis attendre que notre camion arrive à bon port, à Mumbai.

Et le monde des cargos, c'est le royaume de l’aléatoire, de l'imprévisible, des complications multiples. Les grains de sable de la machine maritime sont si nombreux qu'on pourrait se bâtir une plage privée avec parasols et cocotiers. 

Depuis la mi-janvier, notre compagnie de shipping nous tient en alerte. « Départ imminent »… Puis les heures deviennent des jours, puis les jours des semaines.

Depuis la mi-janvier, on est de retour aux Emirats Arabes Unis et, tous les matins, on se connecte, tous les midis, on s'inquiète et, quelques après-midi, on téléphone à notre gentille contacte à Dubaï qui, pour nous rassurer, nous explique tout ce qui pourrait encore venir gripper cette machine diabolique : « En cas de mauvais temps, les bateaux n'abordent pas, ne déchargent pas, et toute la file d'attente se met en retard. » ou encore : « La ligne de cargo est directe de Dubaï à Mumbaï mais, bien souvent, il y a des escales pour charger de la marchandise dans un port inconnu, pas prévu. Alors, le trajet ne dure plus 5 jours mais 10 jours. » Et, bouquet final : « Je sais que ce n'est pas facile, souvent les voyageurs deviennent désagréables avec nous, mais nous n'y pouvons rien. » Heureusement que notre ligne de conduite reste la politesse et la plaisanterie avant toute chose… Mais il est vrai que cela titille de s'énerver contre cette pauvre dame qui n'y peut rien !

En gros, voyager en cargo, c'est un sport de retraité fortuné. Il faut du temps, de l'argent, et une bonne dose de philosophie face aux aléas de la vie. 

Et tout ça pour que, au final, dans 4 semaines, on retrouve notre camion cabossé, vidé jusqu'au châssis, ou infesté de fourmis en djellaba.

Le principe du cargo, c'est qu'on achète un container, qu'on ferme bien et qui se fait transporter à bon port. 

Sauf que notre camion, évidemment, ne rentre pas dans un container.

Alors, on peut acheter un « plateau » et on pose notre camion dessus. Ensuite, le plateau est servi, chaud devant, et posé délicatement devant la cahute du douanier du port de Mumbai. Mais un plateau, c'est énorme et ça coûte cher. On n'a pas trouvé d'autres voyageurs avec qui partager notre plateau, alors on ne va  pas se payer une plate-forme d'atterrissage de 15 mètres de long pour nous tout seul, pour notre « petit » camion de 7 mètres. 

Il reste alors une dernière solution, le « roll in-roll off ». ça fait un peu « rock n'roll » et piste de danse, on valse dans les mers sous la lampe à paillette. Pour faire plus convivial, on appelle ça le « Ro-Ro ». Il ne manque plus que Coco Lapin et la famille Riri, Fifi et Loulou pour que le tableau soit complet.

Le principe est le suivant : on confie les clés de la cabine à notre compagnie de shipping et ensuite, on va mettre un cierge dans une petite mosquée de province… Car la suite du voyage relève du bon vouloir du destin. 

Comment faire comprendre au 28ème manutentionnaire que, pour démarrer notre camion, il faut que la manette de droite, sous le réservoir, soit mise sur « chiuso », que ça ne sert à rien de tourner la clé, car elle sert juste à allumer les phares, qu'il faut de l'air pour que le frein de parc puisse se desserrer et que, pour passer la marche arrière, faut pas s'énerver, mais attendre que la vieille mécanique retrouve ses dents, son bridge, ses implants et mette bout à bout tous ses plombages ? Bref, comment expliquer cela, à part en scotchant en Hindi, en Farsi, en Baloutchi, en Urdu et, pourquoi pas, en anglais, une petite notice qui va obstruer tout le pare-brise ? 

Comment faire comprendre au 36ème douanier que, vérifier l'intérieur du camion, ne signifie pas le délester de ses objets les plus précieux ?

Comment faire comprendre au 54ème ouvrier qui traîne sur le port que nous avons encore besoin de nos roues pour continuer notre voyage ?

Et comment faire comprendre à la 1629ème blatte du désert qu'il faut qu'elle arrête de manger la pile de vêtements d'hiver rangée dans le placard du haut pour la découverte de l'Himalaya ?

Beaucoup de questions… et c'est pour ça qu'on attend, et qu'on va payer 3 mois de voyage en une seule traversée (4'500 euros pour un petit tour en pédalo…)

Mais sinon, le moral reste bon. Passés les premiers moments de désespoir, d'impression de tourner en rond, de ne pas trouver la sortie, on reprend goût à ne rien faire, à se poser et à profiter des « vacances ». 

Les prochains soucis seront pour l'Inde : circulation, foule, épices, klaxons, vaches nonchalantes et kyrielles de démarches administratives pour la suite du voyage… On ne sait pas encore ce qui pique le plus dans toute cette liste.

Et, en attendant, on continue de visiter les Emirats au rythme de sénateurs asthmatiques unijambistes.

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A Abu Dhabi, on a retrouvé des amis français qui nous ont réservé un accueil extraordinaire dans leur « compound » en plein centre ville.

Trois jours comme en France, ils ne pouvaient pas nous offrir un plus beau dépaysement : baguette grillée au petit-déjeuner, rôti à midi et foie gras le soir, en plus de délicieux vins, d'une bonne conversation et, en bonus, d'une machine à laver, de lits gigantesques et de salles de bain royales. Un petit havre de tranquillité !

Ces amis sont des voyageurs qui sont partis avec leur camion et leur 4 enfants jusqu'en Inde, depuis la France, il y a 9 ans. On avait suivi leurs aventures sur leur blog, et on les avait rencontrés au Queyras l'hiver passé. C'était beau et touchant de reconnaître en eux ce que nous vivrons dans 10 ans et ils étaient émus de voir en nous ce qu'ils avaient vécu 10 ans plus tôt. Un beau partage !

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Ensuite, on est retourné à Sharjah pour revoir notre copain Ahmad et nos amis français et leurs deux enfants. C'est là que notre moral est descendu au plus bas car nous étions le 25 janvier et nous nous retrouvions sur la même plage que lors de notre arrivée d'Iran, le 1er décembre. Pour avoir l'impression de tourner en rond, il y n'a pas mieux, même si Ahmad est toujours aussi accueillant et nos amis français aussi sympas !

On est aussi retourné dans le quartier des garages sur la « Third Industrial Road » de Sharjah pour négocier avec l'artisan qui nous avait soudé nos jantes, afin qu'il nous les remette un peu plus droites ! Ça a pris trois jours… Mais, cette fois, on n'est pas resté dans ce quartier poussiéreux et bruyant, on s'est posé sur la plage et Abdul, avec sa camionnette bleue, venait chercher les pneus, les ramener, emmener Olive, jusqu'à ce que tout soit parfait. 

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Après, on a voulu renouer avec le désert vers Fossil Rocks. La piste était belle, mais bordée de pylônes et les dunes étaient magnifiques, mais balafrées de traces de quad, de moto, de 4X4. 

En fin d'après-midi, on a rencontré 4 gentils garçons émirati qui faisaient les fous dans les dunes en 4X4. On leur a offert le thé et des dattes sur notre tapis de plage, ils se marraient de nous voir si « bédouins » ! Ils nous ont proposé un barbecue pour le lendemain, une invitation chez un bon copain à eux le surlendemain et nous ont même laissé leur tapis en souvenir.

Mais le lendemain, le vent a eu raison de nous ! On a quitté Fossil Rocks dans un tourbillon de jaune, d'orange et de gris. Le sable nous volait dans les plumes. Et on a filé dans les montagnes vers Hatta.

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On voulait voir un wadi avec de belles vasques pleines d'eau turquoise pour défier une fois de plus l'apesanteur et batifoler sous les palmiers. Mais, on avait oublié qu'il y avait une frontière. Le gentil militaire, au check point, nous a bien fait comprendre qu'on ne quitte pas les Emirats juste pour se baigner…

Il y aurait d'ailleurs beaucoup à écrire sur les relations entre Oman, les Emirats Arabes Unis et tous leurs voisins plus ou moins proches… Mais ce sera pour un autre chapitre !

Heureusement, à Hatta côté Emirats (c'est le Saint-Gingolph du Golfe!), il y a un super centre de VTT avec des pistes creusées à travers toute la montagne. On s'est régalé à faire la bleue, la rouge, la noire, à toute allure et dans tous les sens, c'était excellent !

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Avec ça, on a loupé le barbecue proposé par nos amis du désert, mais on s'est rattrapé le lendemain chez leur copain Awad, qui nous a invités dans sa ferme. C'était une belle maison avec piscine, tente, tapis, coussins et chauffe-plat comme dans un restaurant. On était une dizaine de personnes réunies autour du feu pour écouter des histoires de voyage. Awad est l'instigateur du « World Travel Festival » de Dubaï, pas n'importe quoi !

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Il nous a d'ailleurs quitté le lendemain pour aller à sa partie de chasse au faucon au Pakistan… Mais il a encore gentiment pris le temps, le matin, après nous avoir offert un somptueux petit-déjeuner, de nous faire découvrir les animaux de sa ferme (outre les gazelles empaillées et le mobilier en peau de bête) : tourterelles, pintades, dindons, paons, cygnes, canards, chèvres et oryxs.

On a fait des selfies à bout de bras sous le regard terne de l'oryx échappée de son scrabble, c'était baroque.

Et depuis, on s'égare aux Emirats pour passer le temps. On brode des zigzags pour égayer notre attente.

Un coup à droite pour voir la mer (mais la côte, vers Fujeirah, c'est super moche, ça pue, les plages sont en gravas, bordés de murs en barbelés appelés Hilton, Sheraton, Jenfêdéton…).

Un coup à gauche pour faire un peu d'escalade vers Ras Al Khaima (mais, après une semaine, même la corde en a marre de refaire la même voie).

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Un coup en haut pour connaître les frissons de l'altitude sur le Djebel Jais (mais, rester sur deux jours sur un parking, même si la vue est magnifique, ça vous lasse).

Et maintenant, on hésite à partir tout au sud, pour achever de promener notre ennui… ça devient aussi triste que du Jacques Brel sous les remparts d'Arabie.

Finalement, au lieu de transporter notre impatience à l'autre bout du pays, on est revenus à Dubaï, sur une plage en face de la Palm Jumeirah, afin de s'imprégner jusqu'à l'épuisement de cette vie décalée dans cette ville si particulière : artificielle, démesurée, brillante et bruyante.

Sur la plage, il y a « le coin des expatriées », les mamans aux lunettes Gucci, aux longs cheveux artistement blondis, avec une panoplie de jeux de plage, petits gâteaux, casquette, crème solaire et brumisateur, qui se retrouvent avec leurs enfants en bas âge pas encore inscrits « Yale College » ou au « Deutsche Institut ».

Et sinon, il y a « le coin des voyageurs ». On était 5 – 6 camions garés en file indienne, petit condensé d'une vie de camping sédentaire pour nomades échoués. 

Les enfants se sont régalés à jouer avec d'autres enfants. Et nous, on a passé de bons moments à échanger des impressions de voyage, des trucs et conseils, des anecdotes universelles.

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Quelques rencontres ont également émaillé notre séjour sur la plage. On a passé une soirée chez une famille indienne évangéliste dans une maison gigantesque (avec ascenseur pour monter au 1er étage, porte d'entrée aussi grande que notre camion et salon de 150 mètres carré). Un couple de franco-suisse nous a invités dans leur magnifique appartement pour un excellent souper. Et on a également partagé un délicieux pique-nique (avec du fromage aux noms familiers : morbier, cantal, emmental… du délire!) avec une famille de voyageurs en sac à dos.

Et, un jour, après trois semaines d'attente, une compagnie de shipping nous a enfin annoncé un bateau pour la fin de semaine.

Et là, tout s'est passé très vite.

Mardi 17 février, on a donné toute la paperasse.

Mercredi, on a essayé de ranger et de nettoyer le camion (mais la vie de camping est une succession de petites interruptions conviviales).

Jeudi 19, on s'est levé à 5 heures du matin pour, d'un côté, vider des placards d'habits et autres affaires pour l'Inde et, d'un autre côté, remplir ces mêmes placards avec tous les outils et autres objets précieux rangés à l'extérieur du camion. 

Un chassé-croisé délicat mais, à 9h30, notre camion, vu de l'extérieur, était vide. Vu de l'intérieur, c'était un entassement ingénieux de boîtes à outils, plaques de désensablage et vélos empilés habilement dans notre étroit habitacle.

A 10 heures, notre agent de shipping est venu nous chercher. On a laissé les enfants et nos 5 sacs à dos sous la bienveillante surveillance de nos amis de la plage et, à 13 heures, les formalités de douane étaient finies…

Notre camion était garé sur un quai, tout nu, avec les clés sur le contact… On avait l'impression d'être les méchants parents qui abandonnions le petit Poucet au milieu de la forêt, sous prétexte d'aller chercher un peu de bois… Un fagot contre un cargo, y a de quoi se retourner dans ses bottes.

Heureusement, en fin d'après-midi, des amis rencontrés sur un site d'escalade sont venus nous chercher sur la plage pour nous accueillir chez eux le temps d'une nuit. Ils nous ont bichonné, régalé, et, vendredi 19, au soir, on était dans un avion pour le Kerala !