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Samedi 16 avril 2016

PENJAB de droite (INDE) et PENJAB de gauche (PAKISTAN)

A la frontière, c'était comique, les bâtiments sont immenses, les avenues du « no man's land » énormes. 

Mais il n'y a personne, à part, bien sûr, des douaniers et des militaires. 

Pas étonnant qu'il y ait personne. Les Indiens n'aiment pas les Pakistanais, et les ambassades étrangères mettent le Pakistan dans une zone tellement rouge qu'il faudrait être daltonien, albinos et nyctalope pour oser franchir la frontière. Et pourtant, quelle découverte !

Après avoir passé la frontière indienne, on n'arrivait pas à trouver la frontière pakistanaise ! C'est un policier qui est monté avec nous dans le camion pour nous amener au bon endroit ! Les formalités ont duré environ 2 heures, dans un calme total, avec des gens qui venaient nous amener des bouteilles d'eau de temps à autres. Vers midi, tout était terminé. 

Et là, on était dans le Penjab de gauche. Et même si ça ressemblait beaucoup au Penjab de droite, on sentait bien que ce n'était plus la même chose.

Les mosquées remplacent les temples hindous (c'est normal, le Pakistan est majoritairement musulman, c'est sa raison d'être, le motif pour lequel ce pays a été créé, avant même que l'Inde ne se défasse de sa majesté anglaise). 

Les hommes portent de longues chemises de pyjama qui leur descendent jusqu'au genou. 

Et les femmes ont disparu…Pas de femme dans la rue, ou s'il y en a une, par hasard, c'est un bout de tissu ambulant qui porte plein de trucs. J'exagère un peu, bien sûr, mais c'est vrai que la condition féminine, au Penjab de gauche, est encore en devenir. J'avais l'impression, parfois, d'être une plante verte décorative, à dire « bonjour » avec un grand sourire et à voir les visages se détourner pour aller serrer la main d'Olive ! Heureusement que, dans le reste du Pakistan, les hommes sont devenus plus bavards avec moi, car ce serait un peu affligeant de voir un pays entier nier si farouchement toute la part féminine de l'humanité !

Un jour, je me ferai greffer une moustache. 

Ou, mieux encore, j'aimerais penser que la générosité de tous ces hommes, leur hospitalité, leurs accolades, leur curiosité masculine s'ouvre aussi à leur épouse, leur mère, leurs filles et à toutes ces femmes qu'on a si peu rencontrées ! L'espoir fait partie du voyage. 

Pour revenir au Penjab de gauche (Pakistan), le fameux samedi 16 avril, on s'est garé juste après la frontière pour manger et attendre 16h car, à ce moment, il y a la cérémonie de fermeture de la frontière, et c'est un vrai spectacle ! Les douaniers indiens mettent des habits ridicules avec un casque en plume de paon jaune-orange. Les douaniers pakistanais font de même, mais avec des habits noirs. Il y a des estrades de part et d'autres pour que le public agite des drapeaux et chante, et c'est à qui fera le plus de bruit d'un côté ou de l'autre de la frontière, jusqu'à ce que les drapeaux tombent et que la barrière se ferme. Belle parodie ! C'est le « Wagha Border Show ».

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Après, on voulait dormir là où on était garé, à côté du poste frontière, mais les soldats nous ont déconseillés de rester là et ils nous ont indiqué un poste de police à 10 kilomètres en direction de Lahore. Arrivés devant ce poste de police, les policiers nous ont amené à un autre poste, 10 kilomètres plus loin, qui était plus grand. Le problème, c'est qu'on était déjà dans la banlieue si animée de Lahore, et qu'il y avait une arche au-dessus du portail pour entrer dans l'enceinte du poste de police. Du coup, on s'est garé le long du mur extérieur du poste, à 10 mètres de la nationale, avec toute l'agitation que cela suppose. Il faisait chaud, moite, c'était gavé de moustiques, super bruyant et Olive a passé la soirée au poste de police pour essayer de rencontrer quelqu'un qui parle anglais, pour expliquer pourquoi on était garé hors du poste,  mais sans succès, bref, pas terrible !

Le lendemain, on est parti tôt pour quitter Lahore rapidement. Le soleil était orange tellement c'est pollué, ça pue, ça ne donnait pas envie de s'attarder. On n'aura donc jamais visité les belles mosquées ni le bazar de Lahore, dommage! Mais la crainte de mettre les pieds sur un nid de terroristes a été plus forte que la curiosité culturelle.

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Nos pneus avaient l'air de tenir, alors on s'est offert « l'autoroute » entre Lahore et Islamabad et là, on a cru rêver : c'était une vraie autoroute, sans vache ou moto à contre sens ou vendeur de légumes qui traverse avec sa charrette à bras qui déborde de tomates ou gens qui font sécher des crottes de vache sur la bande d'arrêt d'urgence, le bonheur !

En milieu d'après midi, le dimanche, on est sorti de l'autoroute pour aller à une mine de sel qu'on peut visiter avec un petit train.  Malheureusement, on n'a jamais visité la mine car le directeur de la mine avait dû fumer la moquette : il fallait payer 70 DOLLARS pour toute la famille pour entrer dans le petit train et visiter la mine qui fermait dans 45 minutes ! Pour les Pakistanais, c'était seulement 2 dollars par personne. Des étudiants ont eu pitié de nous et nous ont acheté des billets. Par contre, au moment de monter dans le petit train, le contrôleur des billets n'a pas voulu entendre qu'on était des cousins d'Amérique, et notre supercherie a été démasquée !

Le soir, on a trouvé un joli bivouac dans un pré à côté d'un village. Le paysan, sur le bord de route, nous avait fait signe pour qu'on s'arrête. Olive a bu le thé avec tous les gars du village pendant que les enfants jouaient avec les garçons et que moi, je faisais la lessive et la cuisine (comme ça, ça avait l'air qu'on s'intégrait bien, j'étais bien cachée dans la maison !). Et là, en discutant de nos problèmes de pneus, un gars nous a donné une adresse vers une usine de ciment où, d'après lui, les camions roulent avec des pneus comme nous. A l'usine de ciment, on n'a rien trouvé, mais on nous a donné une adresse à Islamabad. Alors, lundi, on est parti pour Islamabad et sa zone industrielle.

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Nos premières impressions au Pakistan ont été ainsi très contrastées…

Nous étions un peu tendus à l'idée de pénétrer dans l'antre de la créature du Docteur Frankenstein. Comment allait-on voyager dans ce Pakistan, si décrié, si craint ? Forcément, voyager implique de prendre des risques, d'accepter de se faire un peu bousculer, mais dans les limites du raisonnable. Et, avec le Pakistan, on ne savait pas si ces fameuses limites allaient être outrepassées… 

Et, évidemment, une fois de plus, l'humain l'a emporté sur la situation géo-politique. Partout, nous avons reçu un accueil si chaleureux. Les gens nous arrêtaient pour nous dire : « Welcome in Pakistan ! » et, régulièrement, les mêmes phrases revenaient : « What can we do to help you ? You are my guest, come to my house ! ».

Et, au final, on se sentait presque mieux au Penjab de gauche (Pakistan) qu'au Penjab de droite (Inde).

Bien sûr, en Inde, on a fait de belles rencontres, on a visité des endroits superbes, on a vraiment quitté nos repères culturels, ça fait du bien de se confronter à un autre univers. Mais, d'un autre côté, ça nous a complètement crevé ! La chaleur et les moustiques y sont pour beaucoup, mais l'attitude des gens, leur manière d'être est aussi relativement fatigante.

Tous les jours, sur la route, on avait peur de renverser quelqu'un à moto, de chouter un enfant, de tamponner une voiture et, dès qu'on sortait du camion, c'était tout de suite la foule autour de nous, une grappe de gens qui nous suivaient d’échoppe en échoppe, des photos tout le temps avec des gens qui ne remarquaient même pas qu'on avait d'autres préoccupations !

Je ne sais pas si c'est une histoire culturelle, hindouisme contre monothéisme, présent perpétuel contre chemin de vie, le cercle contre le segment. En tout cas, nos rencontres indiennes étaient souvent un peu « excitées », les gens semblaient surtout intéressés par leur propre plaisir immédiat, alors que nos rencontres pakistanaises ont été plus sereines, tranquilles, aussi tout simplement car les gens autour de nous étaient moins nombreux.

 

Lundi 18 avril 2016

ISLAMABAD

C'est impressionnant d'arriver dans une capitale créée seulement depuis une quarantaine d'année. Avant, la capitale du pays était Karachi, tout au Sud. Maintenant, une nouvelle capitale est née à côté de la grande ville bordélique de Rawalpindi. 

Les avenues d'Islamabad sont larges, droites, plantées d'arbres, tranquilles. Tout est organisé en « secteur », comme dans une bataille navale, tu habites en C8, tu travailles en D9, tu vas faire tes courses en A3 et tu vas chez le coiffeur en B12.

Par contre, à Rawalpindi, c'est le cheni total, les rues bondées, les vendeurs de rue qui empiètent sur la chaussée, la poussière et le bruit, la vraie vie, quoi !

Et c'est dans cette banlieue-là qu'on a retrouvé un homme qui nous a amené chez un autre monsieur, dans le quartier des garages, et là, on a cru tomber à la renverse en voyant un tas de 7 pneus Michelin de taille 14.00  R 20. Du délire ! Ce qu'on avait cherché pendant des semaines en Inde se trouvait dans cette arrière-cour poussiéreuse et bruyante. On en aurait presque oublié de négocier le prix ! Mais, revenus de notre bonheur béat, on a voulu traquer le défaut sur les pneus Michelin pour faire baisser le prix et là, on a constaté avec horreur que ces pneus étaient effectivement de très mauvaise qualité, le caoutchouc se craquelait de partout. On a fait les gens dégoûtés et, du coup, le patron nous a trouvé un autre jeu de pneu, de bien meilleure qualité, pour un prix tout à fait raisonnable. On roule donc avec du Michelin à l'avant et du Bridgestone à l'arrière, ça fait plus international.

Le soir, le patron du garage, qui est aussi directeur d'une compagnie qui creuse des tunnels, nous a payé un bon souper, puis il nous a invité chez lui pour dormir. On s'est laissé tenter et on s'est retrouvé dans un quartier chic en banlieue d'Islamabad, avec belles villas et domestiques. Dès que le thé fut servi, la maîtresse de maison m'a emmenée avec Coralie sur la terrasse avec sa fille de 20 ans. On a passé une belle soirée à parler culture, mariage, découvertes. Et le lendemain, on a eu droit à un petit déjeuner fantastique !

Ensuite, on est allés se garer dans un parc au Sud Ouest d'Islamabad, le Rose and Jasmin Garden. Et on y est resté le temps d'acheter une carte de téléphone, d'essayer de trouver des sous et de visiter la magnifique mosquée Faizal, une étape bien tranquille.

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Mercredi 20 avril 2016

La KARAKORUM HIGHWAY

Il y a des routes mythiques sur terre, des rubans de goudron qu'on rêve de parcourir.

La Karakorum Highway en fait partie.

Nous avons donc fait un léger détour de 50 kilomètres à l'ouest d'Islamabad pour dérouler, depuis le point zéro, le début de ce chemin de soie qui doit nous amener, 800 kilomètres plus loin, en Chine.

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L'avantage, quand on est sur une route mythique, c'est qu'il n'y a plus besoin, pendant deux semaines, d'ouvrir une carte. On suit le trafic, les camions énormes, les bus marqués « Silk road », « Marco Polo Travel » ou « K2 tour », et on se laisse mener. 

Sauf que, faut par rêver, même les routes les plus célèbres subissent les assauts de la nature et, là, ça devient terrible !

Les 100 premiers kilomètres sont assez banals. On est encore dans la plaine, il y a des plantations de thé, la température diminue et les moustiques disparaissent avec bonheur, seuls les plus acharnés essaient de se réchauffer en piquant dans nos tasses de thé.

Puis, tout à coup, au détour d'un petit virage, ça devient fantastique : l'Indus charrie des torrents de boue, la route s'accroche au flanc de la montagne et les sommets enneigés apparaissent. 

On a révisé toutes les voyelles. Les « Ah ! », les « Oh ! » et les « Ih ! » se succèdent, en fonction du paysage, du camion qui nous frôle, du passage délicat sur un éboulis. 

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La Karakorum Highway, c'est une aventure en soi et, pour que le frisson soit garanti, il n'y a aucune mesure de sécurité routière durant tout le trajet.

Il y a un mois, il y a eu de fortes pluies pendant une semaine, ainsi qu'un léger tremblement de terre, ce qui fait que la route a été emportée à 15 endroits différents ! Les bulldozers ont travaillé comme des fous pour créer une nouvelle piste au milieu des éboulis, mais c'est vraiment impressionnant. Chacun s'engage au petit bonheur, en espérant qu'il n'y ait pas de camion en face et on essaie de placer nos roues là où le remblais semble le plus solide… Ce qui est rassurant, dans ces passages délicats, c'est qu'on fait presque figure de nain avec notre petit camion face aux énormes bus surchargés et aux contours improbables des camions pakistanais aux pneus lisses et aux amortisseurs épuisés. Ces véhicules sont vraiment déments ! Ils sont couverts de décorations et de clochettes, on dirait le traîneau du père Noël!

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Par contre, ce qui est un peu moins marrant, c'est que, depuis Besham, on est sous escorte.

Ce ne sont pas de belles blondes plantureuses à forte poitrine, mais d'aimables barbus vêtus de l'uniforme noir et accompagnés d'une grosse mitraillette !

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A Besham, on s'est inscrit au poste de police des étrangers et, depuis, soit une patrouille mobile nous suit ou nous précède, soit un policier monte avec nous dans le camion. Bien souvent, ce sont des gens sympas, qui savent un peu d'anglais, mais qui puent souvent de la chaussette. Les contacts sont brefs car, environ tous les 30 kilomètres, on change d'administration et on change d'escorte.

Durant la journée, ce n'est pas très dérangeant. Au contraire, bien souvent les policiers nous aident dans les passages difficiles lorsque la route est effondrée. Et, lors de nos petits achats et arrêts dans les restaurants routiers, ils contribuent à réduire l'inflation naturelle pratiquée par les commerçants. 

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Par contre, lorsque vient la fin de la journée, les affaires se gâtent ! Aucune patrouille ne nous veut sur son territoire, alors on se retrouve à rouler de poste en poste jusqu'à ce que, vers 19 heures, on s'énerve en disant qu'on veut s'arrêter pour dormir.

Là, tout à coup, on nous dit que c'est dangereux, que la zone est sensible alors que, durant toute la journée, les policiers n'arrêtaient pas de dire que tout était tranquille dans la région. 

Un soir, on a même menacé d'appeler notre ambassade si le policier ne nous laissait pas dormir dans notre camion dans la cour du poste de police, tellement on en avait marre de se faire refiler telle une patate chaude.

Ainsi, à Dassu, on a dormi dans la cour du poste de police, à Chilas dans une cour d'hôtel, à Gilgit derrière le poste de police, dans la « briqueterie ». 

On a bien essayé, une fois ou deux, de faire des bivouacs à la douce, entre deux jonctions de patrouille, mais sans succès !

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Evidemment, avec ce régime-là, on ne dort pas très bien… Vers 22 heures, on vient encore nous demander nos passeports, et le policier du matin vient nous réveiller vers 7 heures pour nous demander à quelle heure on part. On se croirait à l'hôpital, avec l'infirmière et sa courbe de température qui passe toutes les 6 heures, de quoi devenir complètement malade !

C'est clair que cette façon de voyager nous change de nos habitudes… Alors, pour retrouver un peu de liberté et de calme, on a quitté la Karakorum Highway pour une excursion vers la solitude infinie du Nanga Parbat.

 

Mardi 26 avril 2016

PETITE RANDONNEE vers le NANGA PARBAT

La montée en direction du camp de base du Nanga Parbat est quelque chose de bien organisé.

Au départ de la piste, entre Chilas et Gilgit, il y a une dizaine de jeeps, avec un gros panneau où est inscrit le tarif pour la jeep, le porteur, l'âne et le cheval. Du coup, tu ne négocies rien, tu paies.

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Et tu regrettes presque de n'avoir pas payé plus cher pour un trajet où tu risques de mourir à chaque virage ! La piste qui relie le Rajkot Bridge à Tato, un village perdu dans une vallée étroite à 2600 mètres d'altitude, a été créée dans les années 80. Avant, les gens empruntaient une piste à âne sur l'autre flanc de la montagne. Et on dirait  qu'ils ont gardé le concept du chemin muletier pour tailler dans les parois abruptes la piste que les jeeps empruntent sur 15 kilomètres pour 1000 mètres de dénivelé.

Déjà que ça fait peur, en tant que passager, de sentir la jeep déraper et tressauter sur les petits cailloux au bord du vide, mais cela prend encore une autre tournure quand il faut croiser une autre jeep !

Bref, on transpire autant que si on avait fait le trajet à pied.

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Ensuite, à Tato, la piste s'arrête et on continue à pied sur un joli sentier pendant 6 kilomètres pour arriver, 600 mètres plus haut, à la « Fairy Meadow », la prairie enchantée. Les enfants ont bien marché, le sentier était régulier et nos sacs pas trop lourds, vu qu'on s'était payé les services d'un porteur pour monter nos sacs de couchage et nos brosses à dent ! 

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Quand on est sur la prairie, à 3200 mètres d'altitude, la face nord du Nanga Parbat se dresse au fond de la vallée, du haut de ses 8000 mètres, avec ses glaciers suspendus, ses séracs, ses orgues de glace. On se projette en rêve sur la voie normale, on souffle au 3ème ressaut et on exulte à la dernière corniche. C'est impressionnant de voir presque 4000 mètres de face !

Et comme la balade est bien organisée, pendant qu'on est encore sous le choc d'une vue si splendide, le patron du refuge situé sur la prairie nous offre de dormir dans un de ses jolis cabanons pour un prix qui nous glisse d'une oreille à l'autre tellement on en a plein les yeux. C'est le charivari des  sens. 

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Mais, quand l'effet magique retombe et que, en fin d'après-midi, on se balade jusqu'au fond de la prairie, on voit d'autres cabanons, moins chers, et on se rend compte qu'on a payé un prix de cochon pour dormir dans les courants d'air et la poussière… Mais ce n'est pas grave, on respire l'air qui a enivré Buhl et Messner, ce n'est pas rien !

Le soir, on a mangé à la lueur de notre chandelle de camping un riz au poulet préparé dans une cuisine rustique et, le lendemain, on est remonté le long de la moraine en direction du premier camp de base, mais la neige a rapidement eu le dessus. Après une petite bataille de boules de neige et de pommes de pin, on est revenus manger une bonne soupe chez le cuisinier d'à côté qui nous avait invité pour occuper ses mornes journées en attendant l'ouverture de son refuge, prévue pour la semaine d'après. 

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L'après-midi, on a joué aux cartes, regardé de vieux livres, les enfants ont joué au cricket avec le cuisinier et son assistant, puis on a remangé le même riz au poulet avec notre même chandelle de camping.

Et, le lendemain, on est redescendu dans la plaine.

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Une belle balade. Ça faisait plaisir de remettre les chaussures de montagne, sentir l'odeur du pin et marcher dans la bouillasse des petits torrents.

Durant cette petite balade de deux jours et demi, on a été accompagné tout du long par un policier, qui baladait son fusil de sapin en sapin…C'était un gars sympa, originaire du village d'en face, on a passé de bons moments avec lui, mais ça fait quand même un peu bizarre d'avoir un garde du corps en permanence ! Bien sûr, on ne saura jamais si cette « présence policière » fut assez efficace pour décourager quelques extrémistes, mais, en tout cas, ça montre que le Pakistan met le paquet pour protéger ses touristes. 

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Mercredi 4 mai 2016

LEGER DETOUR par SKARDU

Ce qui, ensuite, a été très frustrant, c'est que, plus on arrivait dans le nord du Pakistan, plus c'était magnifique et moins on avait de temps.

Mais on a tout de même encore bien profité de la région. C'est juste comme un avant-goût pour revenir ensuite à pied, à vélo, en brouette ou en trottinette, tout ce qui procure le frisson de l'aventure. 

Après notre escapade vers le Nanga Parbat, on est allé visiter Gilgit et ses distributeurs. On a fait la tournée des banques avec notre policier (ce n'est pas facile de retirer de l'argent au Pakistan…)

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Le soir, on a cru feinter tout le monde en se garant dans un petit champ derrière une maison. Le policier avait validé notre emplacement (le poste de police était à 500 mètres), mais le maire du village nous a délogés vers 21 heures, il avait peur qu'il y ait un raid contre ses patates durant la nuit.

On est donc allés se garer dans la briqueterie derrière le poste de police. Comme l'endroit était charmant, on y est resté un jour, pour que les enfants aient bien le temps d'apprendre les bases du cricket avec les gens du village et pour qu'on dépatouille la suite de nos visas pour le Kazakhstan et la Russie.

Avec Coralie, on a été invitée par les femmes du village, qui nous ont offert à boire, à manger. On a tapé dans les mains, chanté, dansé et embrassé plein de bébés emmaillotés comme des jambons frais, à se demander comment ces petits êtres, vers 6 mois, sont encore capables de faire fonctionner les muscles ankylosés de leurs bras et de leurs jambes.

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Et, ensuite, on est partis vers Skardu. 

On a quitté la Karakorum Highway pour continuer de suivre l'Indus vers l'Est, sur une route indescriptible. Les craquements du pont lors de notre passage n'étaient déjà pas très rassurants (mais on avait de la marge, des camions de 20 tonnes étaient passés devant nous), mais le reste de la route a été digne des plus belles routes de l'impossible. J'en ai fait des cauchemars pendant trois jours, et pourtant je n'ai pas les nerfs fragiles !

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Il faut imaginer une route taillée à flanc de montagne, 200 à 300 mètres au-dessus des flots bouillonnants de l'Indus. On est sur la rive droite de l'Indus. Olive a donc le contrôle visuel sur les roues gauches et le haut du camion qui râpe contre la montagne, et moi, j'ai le « contrôle » sur le bord droit de la route. Je suis penchée à la fenêtre et, quand notre pneu avant droit n'est plus qu'à 10 centimètres du vide, je suggère à Olive de tourner un peu à gauche… C'est super stressant !

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Le soir, pour se redonner du courage, on est allé manger une bonne assiette de pois chiche dans le restaurant routier à côté duquel on était garés, dans l'espoir d'être bercés dans une douce euphorie grâce à nos gaz hilarants. Et, effectivement, la suite de la route m'a paru moins terrible.

 

A Skardu, on s'est trouvé un bon bivouac un peu au-dessus de la ville, vers un lac de barrage. Les policiers nous avaient laissé leur numéro pour qu'on les appelle en cas de problème, mais il n'y avait pas de réseau…

On a donc été bien tranquilles pendant deux jours et demi. Les enfants ont joué dans la rivière, on est allé manger chez le vétérinaire du village et on a enfin ressorti les vélos. Je me suis même régalée, en fin d'après-midi, à monter en direction d'un haut plateau sur une route déserte (l'accès au col de Deosai était encore fermé à cause de la neige). Je me demandais, à la fin, pourquoi j'avais dû misérablement passer le premier plateau, car j'avais un peu le souffle court, mais j'ai réalisé après coup que j'étais déjà à 3900 mètres d'altitude ! On s'est vraiment régalé.

Malheureusement, on a dû quitter l'endroit un peu plus vite que prévu. On nous avait avertis que la pluie allait arriver et, vu l'état de la route, les gens n'étaient pas sûrs qu'il n'y ait pas un nouveau glissement de terrain. Il faut dire que, un mois auparavant, toute la vallée avait été bloquée pendant une semaine suite à de grosses pluies.

Nous sommes donc rentrés en un jour de Skardu à Gilgit où, effectivement, nous avons pris la pluie.

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Mardi 10 mai 2016

LA VALLEE DE HUNZA (KARIMABAD, GULMIT, SOST)

Ensuite, on s'est posé à Karimabad, dans la vallée de Hunza, où Olive a retrouvé un guide local avec qui il avait partagé quatre semaines de trek il y a trois ans avec des clients. 

Karimabad, c'est le petit joyau du Pakistan. Les montagnes sont magnifiques, les gens sont charmants. On a mangé avec Zaid dans les petits bistros du village, on a visité l'école, une vraie vie de village, avec les vieux qui nous saluent depuis leur muret en pierre, tels trois petites poules qui sortent au crépuscule, une bonne ambiance !

Il y a même un joli fort d'architecture tibétaine en haut du village, tout le monde était content : culture, montagne, gastronomie.

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On est partis deux jours avec Zaid planter nos tentes vers le camp de base du Rakapochi, un « petit » 7000 avec une face impressionnante. On s'est bien marré. Une mule avait monté nos tentes et nos sacs de couchage. Coralie a bravement gravi les 900 mètres de dénivelé qui nous ont amenés vers une petite prairie un peu en pente où on s'est installé.

Le soir, on a bu la liqueur locale (Hunza water !) dans la bergerie en refaisant le monde (il y a du boulot, surtout quand on l'envisage du point de vue pakistanais… les gens avec qui on a parlé ont tellement l'impression d'avoir été manipulés. Ils disent qu'on leur a fabriqué des talibans, qui maintenant rendent la vie au Pakistan si difficile… Les enjeux géopolitiques sont parfois bien compliqués à démêler).

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On a quitté Karimabad avec regret, après avoir dégusté encore un excellent repas chez Zaid et sa femme, qui est prof d'anglais.

On est partis alors pour le dernier tronçon de la Karakorum Highway. On a épuisé tout notre vocabulaire pour décrire les montagnes environnantes. On voulait s'arrêter à chaque virage, tellement c'était beau !

On a fait un petit arrêt à Gulmit pour rencontrer le gars qui tient une agence de voyage dans ce village et nous avait procuré la lettre d'invitation indispensable pour obtenir un visa pakistanais. Il nous a fait visiter son village, son école, son bistro, encore une belle rencontre. 

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Et, finalement, nous sommes arrivés à Sost, le dernier village pakistanais avant le Khunjerab Pass (qui est encore à 80 kilomètres de Sost). Le col qui sépare le Pakistan de la Chine est à 4'800 mètres d'altitude et les douaniers, à cette altitude, ont le souffle trop court pour exercer avec vigilance leur aptitude à feuilleter les passeports. C'est pourquoi, on fait les formalités à Sost pour quitter le pays, puis on est priés de ne pas quitter la route jusqu'en Chine…

Comme la traversée de la Chine en véhicule est presque aussi simple qu'une équation du 18ème degré, nous sommes obligés de passer par une agence qui dépatouille les chinoiseries administratives à notre place. Pour partager les frais d'agence, nous allons donc faire la route avec un couple d'Australiens super sympas qui voyagent sur une grosse moto. 

Espérons que notre camion résiste à l'ivresse de l'altitude !

Et c'est ainsi que, avec regret, nous avons quitté le Pakistan le mercredi 11 mai.

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